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Le taulier de la "Boîte à images" (voir http://laboiteaimages.hautetfort.com) a lancé un jeu qui consiste à écrire un texte selon des règles bien précises.

Pour le troisième jeu (voir son billet du 1er février 2006), le texte doit répondre à une image donnée et [1] raconter "une même histoire selon deux points de vue. [2] Le premier sera celui de l'ouvreuse ; [3] le second sera celui d'un homme qui est dans la salle de cinéma et dont la vision nous est rendue par cette peinture ; il est en train de s'asseoir ou de se lever, la perspective nous dit que son regard est à la hauteur du bas de l'écran ; [4] chaque texte devra mesurer environ sept cent signes ; [5] ils devront être publiés au plus tard le dimanche 5 février 2006 à 23h 59. Le but du jeu est de raconter un même événement selon deux points de vue radicalement différents. Deux visions, deux perceptions de la réalité, deux textes pour un seul fait."


New York Movie, Edward Hopper, 1939

 

Ci-dessous ma contribution pour la Boîte à images le 15 février 2006, hors délai faute de connexion

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L'ouvreuse

Souffler un peu ; mon dos ; mes pieds ; j'ai mal. Je ne peux pas arrêter ; j'ai besoin de ce job. Pas encore le droit de s'asseoir. Plus tard. Le dos au mur, ça soulage. Oui. Si je lâche le cinéma, ma paye du diner de Joe ne suffira pas. Mal aux pieds. Les chaussures à moitié prix pour Tim avant qu'il n'y en ait plus. Pauvre chéri, il grandit tellement vite. Et ce salaud de Ron qui ne nous envoie plus un sou. Si je demandais à l'avocat de l'obliger à payer ? Non, trop cher. Je vais parler à Sam, savoir s'il peut m'avoir une place à son boulot pour les breakfasts. Les pourboires ont été bons ; pareil demain soir chez Joe et j'achète les chaussures après-demain. Dos au mur. Ca soulage.


Le client

Bel exemple pour nos filles ! Elle ferait mieux de rester chez elle à s'occuper de son foyer. Ouvreuse, je vous demande un peu. Quel travail sans intérêt. Enfin, si on peut appeler ça un travail. Fainéante, oui. Est-ce qu'on a besoin d'être accompagné à sa place ? En plus il faudrait lui donner la pièce ; presqu'un dû cette affaire. Comme si elle n'était pas payée pour ça. Quel monde ! Et puis elle m'a mal placé. Elle attendait sa pièce, eh bien, elle l'attend encore. Elle a bien vu le dime dans ma main. Bonne leçon ! Si elle n'était pas là, sûr que les places de cinéma seraient encore moins chères. Je change de fauteuil et elle n'a pas intérêt à me faire une remarque, cette bonne-à-rien.

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Pour les petits curieux, en 1939, on pouvait acheter aux Etats-Unis l'équivalent d'un litre et demi de lait avec ving-cinq cents ou quart de dollar (quarter) ; à cette époque le prix d'une place de cinéma tournait autour de trente-deux cents. La pièce de dix cents s'appelle le dime.


Pièce de un dime